Après près de 3 ans d’expériences, voici comment je vois la fonction d’aumônier de prison :
- M comme mission : c’est celle du serviteur. Oui je me sens bien dans le rôle du serviteur qui travaille à la maison du maître, père du fils prodigue : Luc 15,22-24 le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé”.
Oui l’aumônier de prison que je suis est bien ce serviteur à qui le maître demande de redonner sa dignité à son fils égaré. Le maître me guide pour choisir la robe, la bague ou les sandales qui vont permettre à son fils de revenir à la vie et de retrouver la voie du Père.
- M comme manifestation : Cela faisait à peine un mois que je fréquentais régulièrement la maison d’arrêt quand une personne détenue me dit : « je ne comprends vraiment pas pourquoi tu t’enquiquines à venir nous voir alors qu’on est si bien dehors. » Pris au dépourvu, je me suis entendu répondre : « eh bien tout simplement parce que tu es mon frère et que je suis heureux de venir voir mon frère. »
Oui, en qualité d’aumônier, je vis la fraternité en prison comme jamais je ne l’avais vécu auparavant. C’est même une découverte à mon âge (je n’en suis pas très fier puisque j’ai 67 ans…) ! La fonction d’aumônier se manifeste donc en premier lieu comme l’expression de la fraternité, fraternité devant Dieu qui me fait cheminer, pécheur avec les pécheurs, sans jugement, et dans une joie certaine.
- M comme méthode : avec mes idées de départ, j’ai eu tout faux !!! Je pensais naïvement qu’il fallait partir de Dieu pour en venir aux hommes. Deux ans plus tard, je pense que c’est tout l’inverse. Il faut partir de leur vie à eux pour aller à Dieu. Ce n’est pas l’aumônier qui est le guide, c’est la personne détenue. A l’aumônier de « sentir » à quel moment et comment Dieu doit être la Lumière qui permet à la honte de s’estomper, à la culpabilité d’être reconnue, à la responsabilité d’être assumée et qui devrait être l’éclairage de la route à continuer. Et ceci m’a confirmé ce dont je doutais quelquefois dans ma vie : Oui l’Esprit Saint existe bien ! car combien de fois est-il venu à mon secours en mettant dans ma bouche les paroles qu’il fallait.
Ceci m’amène à dire que, comme pour les trois Mousquetaires, les 3 M de l’aumônier sont en fait 4.
- Car il faut rajouter le M de modestie. Je suis conscient d’une part que c’est bien l’Esprit Saint qui me guide et me donne les moyens d’assurer cette mission et d’autre part que mon apport dans la vie de cette personne détenue n’aura été qu’une toute petite graine, « graine de moutarde » (Mat 13-31) et qu’il faudra l’œuvre de la grâce pour qu’elle germe et grandisse. Si aumônier rime avec humilité, ce n’est pas pour rien.
Jean Paul Tourvieille,
Aumônier maison d’arrêt d’Angoulême