Confinés toute l’année, les personnes détenues à la maison d’arrêt d’Angoulême ont subi le confinement avec une intensité décuplée.
A 3, 4, 5 voir même 6 par cellule, leur porte ne s’ouvre en temps ordinaire que pour leur permettre d’accéder à une activité (formation, bibliothèque, travail, aumônerie, sport, promenade dans la cour bétonnée entourée de hauts murs sans la moindre verdure).
Outre les entretiens individuels, l’aumônerie catholique organise 3 rencontres collectives par semaine d’une durée de 2 heures les mardi après-midi (rencontre discussion) samedi matin (initiation chrétienne) et dimanche matin (célébration)
Avec le confinement, ce fut donc l’arrêt de toutes les activités. La porte ne s’est plus ouverte que pour la promenade bétonnée et minutée…
Les aumôniers se sont toutefois mobilisés pour offrir autant que possible aux personnes inscrites au culte catholique des éléments permettant de maintenir le lien, alimenter leurs réflexions et leurs prières.
Au niveau national, un numéro vert a été mis en place permettant à toute personne détenue d’appeler gratuitement dans le créneau 8h-20h 7 jours sur 7. Plus de 120 aumôniers se sont engagés sur le territoire national à tenir les permanences téléphoniques.
Au niveau local, c’est le courrier qui a permis d’assurer ce lien. Tous les 10 jours une lettre a été adressée par les aumôniers au 25 personnes détenues inscrites au culte catholique. Ces derniers ont eu la possibilité de répondre. Ce fut une découverte de constater que les aumôniers ont pu exprimer des messages que la seule relation verbale ne permet pas toujours. Et ils ont eu la belle surprise de recevoir quelques réponses tout à fait inattendues et très touchantes et inspirantes.
Voici un extrait de la première lettre adressée par les aumôniers d’Angoulême :
« Le samedi 21 mars 2020 les aumôniers de prison de la nouvelle aquitaine auraient dû être en Assemblée régionale à Martillac, mais le coronavirus en a donc décidé autrement.
L’atelier de travail du samedi après-midi était intitulé : « Enfermé dehors, libre dedans ».
Quel paradoxe !!
Nous souhaitions réfléchir ensemble sur cette situation vécue très souvent par nos frères et sœurs incarcérés. Hier ils étaient dehors et nombre d’entre eux étaient pourtant enfermés, ligotés qu’ils étaient dans leurs addictions de toutes sortes (alcool, drogue, sexe, consommation etc…).
Aujourd’hui ils sont dedans et ont la possibilité de se libérer, se libérer bien sûr de leurs addictions par l’abstinence « forcée » que leur impose l’incarcération, mais aussi se libérer par la vérité sur eux-mêmes dont ils peuvent prendre conscience.
Nous devions réfléchir ensemble sur la façon dont nous, aumôniers, pouvons accompagner cette libération en montrant que le Christ rend libre, par sa victoire sur la mort et par notre baptême.
Et voici que c’est nous qui, aujourd’hui, sommes « enfermés dehors » !! Certes c’est un enfermement – confinement, mais tout de même, la coïncidence est troublante.
Belle occasion pour nous de réfléchir sur nos addictions qui, si elles n’ont pas de conséquences pénales, n’en réduisent pas mois de façon significative notre liberté. Des addictions qui, si elles sont moins « impactantes » que l’alcool, la drogue ou le sexe, n’en sont pas moins des liens qui nous enserrent. Je pense notamment au tabac, à l’ordinateur, aux réseaux sociaux, à la télévision, aux écrans en tout genre, à l’argent, à la consommation effrénée… mais il y en a bien d’autres. Ces liens nous guettent.
Compte tenu des prorogations du confinement telles qu’elles semblent s’annoncer, nous ne pourrons pas vivre Pâques auprès de nos frères détenus, tout au moins physiquement. Il est à craindre que le dimanche suivant non plus. C’est ce dimanche 19 avril que l’évangile de Jean 20, 19-31 relatera l’apparition de Jésus ressuscité au cénacle alors que « les portes étaient verrouillées ».
Les apôtres étaient confinés… comme nous !
Les apôtres étaient enfermés avec les portes fermées à clé… comme nos frères détenus !
Jésus va faire voler en éclat nos verrous et leurs fausses sûretés.
Il nous rendra libre dedans. »
Jean-Paul Tourvieille