Les petits frères des Pauvres

Notre Dame des Terres en Haute-Charente

Depuis 1946, les petits frères des Pauvres accompagnent, dans une relation fraternelle, des personnes, en priorité de plus de 50 ans, souffrant de solitude, de pauvreté, d’exclusion, de maladies graves

« Veiller sur mes parents », le nouveau service de La Poste

Juin 2017
Pour les petits frères des Pauvres, l’isolement des personnes âgées ne peut pas être un argument marketing

Depuis quelques semaines, le groupe La Poste propose une nouvelle offre « Veiller sur mes parents ». Cette nouvelle activité consiste à la visite payante des factrices/facteurs auprès de personnes âgées isolées. Face à cette proposition commerciale qui promet d’« éviter l’isolement des personnes âgées », les petits frères des Pauvres s’inquiètent, une nouvelle fois, de la marchandisation d’une souffrance sociale qui risque d’entraîner encore un peu plus d’exclusion.

Agissant auprès de personnes âgées isolées depuis plus de 70 ans, les petits frères des Pauvres ne peuvent que saluer que La Poste, dans sa politique de modernisation, ait choisi de privilégier une offre de services à la personne qui peut favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. C’est d’ailleurs une préoccupation de la population française qui plébiscite à plus de 80 % le maintien à domicile (baromètre DREES 2015). D’autant plus, que depuis longtemps et de façon informelle, les factrices/facteurs, acteurs de la proximité remplissaient un rôle d’alerte -surtout dans les zones rurales- et étaient des partenaires expérimentés et précieux. Mais les petits frères des Pauvres dénoncent trois écueils à cette nouvelle offre : une promesse de lutte contre l’isolement des personnes âgées peu en phase avec le dispositif ; des tarifs qui excluent les personnes les plus démunies et une offre qui limite sa cible aux personnes qui ont une famille.

Un message qui pose question 
La communication choisie par le groupe La Poste pour faire la promotion de cette offre de service nous interroge à plusieurs titres. Ce service payant est présenté comme un service qui permet d’éviter l’isolement des personnes âgées et maintient le lien social. Ce n’est pas la première fois que l’isolement relationnel est utilisé comme argument marketing pour promouvoir un modèle économique. L’argument est tentant puisqu’on estime qu’1 Français sur 8 est seul et que les plus de 75 ans sont les plus impactés par cette augmentation de la solitude. Pour les petits frères des Pauvres, l’engagement bénévole, les valeurs gratuites et sincères d’une relation sont les seuls remparts contre l’isolement des personnes âgées. Un temps d’échange dans un cadre professionnel n’aura jamais la même valeur que le lien créé dans une relation fraternelle, même si ces professionnels ont un important rôle à jouer pour favoriser le maintien à domicile.

Des tarifs qui renforcent la discrimination par l’argent 
Cette offre payante est proposée à des tarifs élevés : hors promotion et même si elle comporte une option gratuite de téléassistance, une visite hebdomadaire (de 5 à 10 minutes) est facturée 39,90€/mois jusqu’à 139,90€/mois pour 6 visites hebdomadaires. Même si le dispositif donne droit à un crédit d’impôts, ces visites tarifées et chronométrées s’adressent plus particulièrement à une clientèle (et leurs familles) pouvant se permettre de payer de 478€ à 1 678€ par an. Pourtant, depuis longtemps, les petits frères des Pauvres le voient au quotidien, auprès des personnes âgées qu’ils accompagnent, celles ayant de faibles revenus sont les plus isolées ou en risque de le devenir. Parallèlement, la solitude et le repli sur soi favorisent la précarisation. Comme le regrette Armelle de Guibert, Déléguée générale des petits frères des Pauvres, « cette monétarisation de la création de lien social va forcément renforcer l’exclusion, sur de nombreux territoires, des personnes âgées les plus démunies, et en particulier les femmes de plus de 80 ans qui cumulent isolement et petits revenus ».

Une offre réservée en fait aux personnes qui bénéficient d’un entourage 
1 personne âgée sur 4 est seule, avec une hausse inquiétante ces dernières années (Etude Les solitudes en France, Fondation de France, 2014). Avec des personnes de plus en plus âgées, confrontées à la perte du conjoint, la disparition des proches, l’éloignement et la dispersion des cellules familiales. Or, l’offre du groupe La Poste s’adresse à des familles qui veulent mettre en place un service de veille auprès de leurs parents vieillissants et bénéficier d’un système de « suivi » grâce au compte rendu de visite établi par le facteur. Là aussi, les personnes âgées complètement isolées, qui ne bénéficient pas ou plus d’un réseau familial sont exclues et vont être confinées dans leur isolement.

Face au risque croissant de transformer le rôle social en produit commercial réservé à certains, les petits frères des Pauvres tiennent à rappeler que le lien tissé par ce type de prestation ne remplacera jamais la valeur d’une vraie relation fraternelle, gratuite et voulue des deux côtés, de personne à personne. Dans cet esprit, l’Association a à cœur d’encourager, favoriser, valoriser encore plus l’engagement citoyen, d’innover, inventer, promouvoir des expériences et des espaces de rencontres. D’ailleurs, les citoyens ne s’y trompent pas et favorisent l’action auprès des personnes les plus fragiles et les plus isolées. En 2016, le nombre de bénévoles des petits frères des Pauvres agissant tout au long de l’année a augmenté de 10%, avec une progression sur tous les territoires et un investissement des jeunes de moins de 30 ans. Eviter l’isolement des personnes âgées ne peut passer que par cet engagement désintéressé et fidèle.

Les petits frères des Pauvres 
Isabelle Sénécal 
isabelle.senecal@petitsfreresdespauvres.fr 01 49 23 14 49

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