Le 25 mars tombant au début de la semaine sainte, elle sera célébrée cette année au lendemain de l’octave de Pâques, soit le lundi 8 avril 2024
Avec le oui de la Vierge Marie en réponse à l’ange Gabriel venu lui annoncer qu’elle enfantera le fils de Dieu, c’est tout le mystère de l’Incarnation et déjà celui de la Rédemption que les croyants sont invités à méditer lors de la fête de l’Annonciation. Rencontre avec Sœur Bénédicte Mariolle, psdp, directrice adjointe de l’Institut supérieur de liturgie – Institut catholique de Paris. Par Florence de Maistre.
Quel est le sens de la fête de l’Annonciation ?
C’est une fête qui s’appuie sur le récit évangélique de saint Luc (1, 26-38), mais dont le cœur est le mystère de l’Incarnation. C’est une fête qui est particulièrement liée au temps de Noël, tout comme celle de la présentation de Jésus au Temple : elles se rapportent à l’Incarnation du Verbe. Il faut souligner que le Missel de 1969 restaure l’ancienne tradition et célèbre la solennité de l’Annonciation du Seigneur, telle qu’attestée aux environs du VIIe siècle. Elle est bien d’abord une fête du Christ avant d’être une fête de la Vierge Marie : voilà le sens profond. Tous les thèmes de l’Annonciation reprennent ceux de la fête de la nativité. La prière d’ouverture de la messe du 25 mars précise : Seigneur, Tu as voulu que ton Verbe prît chair dans le sein de la Vierge Marie (…). Et l’antienne de communion poursuit : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un Fils, et on Lui donnera pour nom Emmanuel, ce qui veut dire : « Dieu avec nous ! ». L’office des lectures invite à lire la lettre Le Verbe fait chair de saint Léon Le Grand, qui a développé la théologie de l’Incarnation, et donne cet éclairage : C’est donc dans la nature intégrale et complète d’un vrai homme que le vrai Dieu est né, tout entier dans ce qui lui appartient, tout entier dans ce qui nous appartient. Par là nous entendons ce que le Créateur nous a donné au commencement et qu’il a assumé pour le rénover (…). Le sens de la fête est encore donné dans la préface : C’est Lui qui pour sauver les hommes devait naître parmi les hommes ; c’est Lui que l’ange annonce à la Vierge Immaculée et qu’à l’ombre de l’Esprit saint elle accueille par la foi, Lui qu’elle porte avec tendresse dans sa chair (…). L’essentiel de la fête touche vraiment au mystère de l’Incarnation. Le 25 mars se situe exactement neuf mois avant Noël. Il est des années rares, où cette date tombe un jour de la Semaine sainte. La fête est alors reportée au premier lundi après l’octave pascale. C’est le cas cette année, elle est célébrée le 8 avril 2024.
Qu’est-ce qui caractérise la liturgie de cette fête ?
La fête de l’Annonciation est une solennité, elle a les mêmes caractéristiques qu’un dimanche, avec un déploiement de lectures et la récitation du Credo. Au cours de ce dernier, il est prévu que l’on s’agenouille à ces mots : Par l’Esprit saint, il a pris chair de la bienheureuse Vierge Marie et s’est fait homme. Ce geste dit l’actualité de ce que l’on célèbre, et en inscrit la mémoire dans notre aujourd’hui. Le cœur de la liturgie de la fête manifeste l’obéissance du fils qui prend chair pour accomplir le Salut. C’est la réponse du fils au désir du Père de sauver l’humanité. L’antienne d’ouverture est le fil conducteur de toutes les lectures de la messe : Le Christ, en entrant dans le monde, dit : « Me voici, mon Dieu ; je viens pour faire Ta Volonté ». Ces mots reprennent ceux de la Lettre aux Hébreux (10, 4-10), choisie en deuxième lecture. Ils s’appuient sur le psaume 39 que l’on chante et qui permet d’interpréter l’Évangile. Dans l’introït, le Christ dit : Me voici. Il y a un oui du Christ dans lequel le oui de Marie va s’inscrire. Le fil nous conduit au psaume qui reprend le même thème, puis à la deuxième lecture. Le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais Tu m’as formé un corps (He 10, 5). La lettre aux Hébreux célèbre l’obéissance du Christ par amour, pour la réconciliation du monde, pour l’œuvre du Père. L’offrande, c’est celle du Christ lui-même, qui se donne une fois pour toutes, en prenant notre chair. Le récit de saint Luc s’interprète ainsi : à l’Annonciation nous fêtons l’Incarnation qui vient accompagner toute personne. Que tout soit fait selon ta Parole, le oui de Marie s’inscrit dans celui du Christ.
Quelles sont les autres paroles à méditer ?
Elles sont toutes une invitation à méditer ! Le fil central présent dans le formulaire des lectures, en particulier lors d’une fête comme celle de l’Annonciation, permet à tous les textes de s’interpréter les uns les autres. Dans la première lecture (Is 7, 10-14 ; 8, 10) dont je n’ai pas encore parlé, le prophète Isaïe annonce un signe : la venue d’un fils ! L’Évangile vient accomplir cette première lecture ainsi que le psaume. Les textes sont inépuisables ! Regardons la salutation de l’ange à Marie Comblée de grâces. Elle signifie à la fois cette promesse accomplie par l’annonce d’Isaïe et elle dit quelque chose de la pleine ouverture de Marie à l’œuvre de la grâce. Elle évoque le dessein d’amour de Dieu, son projet de toute éternité du Salut conditionné par ceux qui le reçoivent. Marie, en toute liberté, est celle qui accueille et qui est attendue pour cette œuvre. Méditer cet aspect-là permet de découvrir la vocation particulière de Marie pour accueillir le Seigneur.
Comment Marie peut-elle guider les croyants ?
Marie est la première à partager dans son corps la vie de Dieu. L’Église nous la donne en modèle car elle montre à tous comment entrer dans le projet de Dieu. Son obéissance s’inscrit dans celle de son fils. Elle est pleinement une femme eucharistique, selon les mots de saint Jean-Paul II, elle s’offre entièrement. Dans la Bible, dans l’histoire de l’alliance, le péché nous a détourné de Dieu, nous a dispersé, par exemple dans le récit de Babel. Le Salut, le Christ vient rassembler les enfants de Dieu dispersés (Jn 11, 52) qui erraient chacun son chemin. Le mystère de l’Annonciation promet ce rassemblement, le retournement de l’humanité vers sa Source. Marie donne le mouvement, elle est l’aurore du salut (Pères de l’Église). Contempler Marie, fidèle, montre le chemin vers le Père.
Le fidèle est invité à regarder le mystère non pas de façon extérieure, mais à entrer dans le mouvement de l’offrande du Christ
À quoi les fidèles sont-ils invités ?
Les solennités sont toujours liées à la liturgie des heures qui en offre des harmoniques complémentaires. Se recueillir avec la prière des heures de l’Église est une manière pour les fidèles de s’approprier cette fête. Dans toute liturgie, le Christ vient à notre rencontre. Dans la célébration du 25 mars, c’est encore plus marqué. Le fidèle est invité à regarder le mystère non pas de façon extérieure, mais à entrer dans le mouvement de l’offrande du Christ. Laissons-nous saisir comme lui-même nous saisit dans son retour au Père, comme chaque eucharistie nous y appelle : par Lui, avec Lui et en Lui (…). La prière après la communion demande les fruits de la célébration pour les fidèles : Nous t’en prions Seigneur, fortifie en nos cœurs la vraie foi, afin qu’ayant proclamé le Fils de la Vierge vrai Dieu et vrai homme, nous parvenions au Salut et à la Joie éternelle par la puissance de sa Résurrection (…). Elle dit tout du mystère du Salut : mouvement du Christ qui vient nous accompagner et s’offrir au Père, alors que le péché nous avait séparés de lui et éloignés les uns des autres. La fête nous donne d’entrer dans le mystère du Salut. Il est enclenché. Pour y participer, engageons-nous dans le mouvement de réconciliation avec le Père. L’Annonciation est une solennité du Christ, elle concentre tout le mystère du Salut et annonce celui de Pâques, en lien avec Noël. C’est une fête d’une très grande richesse.
Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans cette fête ?
Le mystère dans l’antienne d’ouverture me bouleverse. Le Salut est un mystère d’obéissance par amour. Il est question d’une naissance, d’une création nouvelle avec toute la fraîcheur induite par cette nouveauté. Notre monde porte des traces de vieillesse. Nous en éprouvons sa finitude. La fête de l’Annonciation célèbre une grande nouveauté au milieu de toutes les misères de notre monde actuel : guerres, épuisement des ressources naturelles, etc. Là, tout redevient possible. C’est très ténu. Les hymnes des offices sont très beaux. Je pense en particulier à celui de Patrice de La Tour du Pin Un Jour des âges, il y eut un éclair et son dernier paragraphe : En ce jour-là, / S’il n’y eut qu’une chair / Pour recevoir l’aurore, / Partout monta / L’espoir de faire corps / Enfin à la lumière. En un lieu de notre monde, un évènement est vécu et nous connaissons la suite de l’histoire. Il y a aussi la dimension de la joie. Elle est déjà présente et lorsque l’on poursuit le récit de saint Luc, la joie commence à se propager avec la Visitation. Nous retrouvons vraiment ce lien avec le temps de Noël. D’ailleurs la fête de l’Annonciation a un écho dans le temps de l’Avent. Les antiennes “Ô” chantées aux vêpres dans les sept jours qui précèdent Noël expriment l’attente et l’espérance des prophètes pour la venue du Messie. Celle du 18 décembre célèbre toujours l’Annonciation, telle que la fête était fixée par le concile de Tolède en 636, bien avant la solennité du 25 mars. Nous sommes mis en tension vers Pâques. Ce renouveau est plein de promesses !
