Quelques repères pour les éducateurs

Pastorale des jeunes

Publié le 29 janvier 2020

La juste distance, la confidentialité jusqu’où, le pardon, la posture éducative… quelques repères à l’attention de tous ceux qui sont en situation d’animation avec des jeunes…

Le célibat

Il n’y a pas plus de cas de pédophilie chez les célibataires que chez les hommes mariés. Le célibat consacré ne renforce ni ne diminue les pulsions d’une structure psychologique profonde qui entraîne aux abus sexuels. Mais on attend à juste titre du prêtre, en raison de son ministère, une attitude irréprochable.
Dans l’Eglise latine, l’appel au presbytérat n’est adressé qu’à des hommes qui, en réponse à un appel de Dieu, choisissent librement de vivre la chasteté dans la continence, et s’en donnent les moyens. Cela suppose une bonne connaissance de soi-même, une maturité affective suffisante, la capacité à nouer des relations saines, ainsi que la pleine conscience de ce que signifie et entraîne le choix du célibat. La formation reçue doit aider à évaluer ce choix, et à le vivre dans la durée de manière positive.

Une attitude éducative juste

Parce qu’éduquer est d’abord une affaire de relation entre des personnes, parce qu’éduquer met en jeu une certaine conception de l’homme et suppose un vrai projet de vie, l’éducation a toujours mobilisé l’énergie des chrétiens.
Les quatre repères signalés ici sont tous imprégnés de la longue et sage expérience de l’Eglise. Plus profondément, ils s’inspirent de l’attitude du Christ lui-même telle que l’Evangile la manifeste.

Une relation éducative est chaste, pas au sens courant de “non-charnelle” mais parce qu’elle refuse la possession de l’autre. Elle accepte comme saine et bienfaisante la distance entre les êtres. Elle repousse la mauvaise séduction, qui veut que l’autre se tourne exclusivement vers soi. L’autre est sujet respecté, non un objet possédé.

Une relation éducative sur vit dans la liberté. Elle accepte de voir l’autre évoluer, s’éloigner. Elle ne l’enchaîne pas dans sa propre vision mais le pousse à trouver sa voie singulière et unique.

Une relation éducative se vit aussi dans l’alliance. L’allié est proche mais séparé, fidèle mais non soumis. L’alliance comporte un engagement dans le respect profond de l’allié : l’éducateur doit s’effacer pour que grandisse l’éduqué.

Une relation éducative ouvre au sens de la vie. La loi est la parole commune à tous les membres d’un corps social. Elle “inter-dit”, met de la distance entre le sujet et ses désirs immédiats. Elle brise la relation duelle et l’ouvre à un lien social plus vaste. Le respect de la loi fait partie de toute éducation.

Une attitude éducative qui ne remplirait pas ces quatre critères serait en danger.
On peut observer que trois interdits fondamentaux structurent de façon décisive les relations éducatives :
– l’interdit de la fusion qui abseorbe les personnes l’une dans l’autre, en niant leur singularité propre,
– l’interdit du mensonge, qui manipule personnes et institutions,
– l’interdit de la violence, qui tue la confiance et écrase le plus faible.
Ces trois interdits se traduisent positivement par la juste distance, la clarté, le respect.

Le secret professionnel

La loi sanctionne la non-dénonciation de crimes ou de privations, mauvais traitements ou atteintes sexuelles sur un mineur de moins de 15 ans d’une peine de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende (art 434-1 et 434-3 du code pénal). Dans le même temps, la loi sanctionne la violation du secret professionnel d’une peine d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende (art 226-13 du code pénal). Il en résulte un évident conflit de devoirs pour les personnes qui ont connaissance de tels actes mais qui sont tenues au secret professionnel.
C’est pourquoi la loi fait une exception au principe général de la dénonciation. Elle prévoit que les personnes astreintes au secret professionnel ne sont pas tenues de dénoncer les faits dont elles ont connaissance (art 434-1 et 434-3 du code pénal). Ainsi, un médecin peut soigner une blessure par balle sans être obligé d’en informer la justice. Mais, notamment pour les atteintes sexuelles commises sur un mineur de moins de 15 ans, la loi fait une exception à l’exception. Dans un tel cas, celui qui est tenu au secret professionnel a la possibilité d’informer les autorités compétentes sans encourir la sanction prévue pour la violation du secret professionnel. Mais il n’en a pas l’obligation, la loi reconnaissant une “option de conscience”.

Parmi les personnes tenues au secret professionnel en droit français, figurent depuis longtemps les ministres du culte. Cela concerne, dans l’Église catholique, les ministres ordonnés (diacres, prêtre, évêque) ainsi que les laïcs en responsabilité ayant reçu une lettre de mission de l’évêque. Le secret ne se limite pas aux seules confidences reçues par les prêtres dans le cadre de la confession, mais s’attache à toute information confidentielle reçue par les ministres du culte dans le cadre de leur ministère.

Le secret professionnel est souvent mal compris aujourd’hui. A certains, il apparait comme un privilège indu qui doit céder le pas devant le désir de transparence de notre société. C’est oublier que le secret professionnel a une fonction essentielle dans une société démocratique. Il préserve un espace de confiance et de liberté de parole sans lequel aucun lien social ne peux exister.

Le secret professionnel engage la responsabilité de celui qui le reçoit. Il ne doit pas fonctionner comme un lieu de non-droit ou une échappatoire devant les responsabilités juridiques et morales de chacun.
Ainsi, un prêtre qui reçoit les confidences de l’auteur d’un crime ou d’un délit doit tout mettre en œuvre pour que celui-ci assume ses responsabilités tant à l’égard de la victime qu’à l’égard de la société, et se confie donc à la justice.

Le pardon

Pardonner semble parfois une attitude impossible. Pardonner serait une lâcheté, un manque de courage et de lucidité de la part de celui qui a été victime. Refuser le pardon semble être la seule manière de reconnaître la gravité de la faute commise.
Dans le cas de la pédophilie, les parents de l’enfant abusé se sentent profondément trahis : la confiance accordée a été bafouée. Ils éprouvent ce sentiment avec une grande intensité. L’enfant, lui, se sent souillé de façon indélébile. La honte a du mal à s’effacer. A lui aussi, pardonner semble impossible à tout jamais. Parfois, cependant, après un long mûrissement qui peut durer des années, une démarche de pardon s’ébauche et s’affirme.
Certes, du côté de l’agresseur aussi, demander pardon n’est pas un acte neutre. Il doit être précédé par bien des étapes, toutes nécessaires : l’aveu du mal commis, la responsabilité affirmée des actes posés, l’épreuve de la justice rendue, l’acceptation de la peine infligée.
Se reconnaître et être reconnu comme responsable de ses actes relève de la dignité accordée à la condition humaine. Celui qui peut alors faire la démarche de demander pardon ne réclame pas l’oublie ni le refoulement de l’indicible. De même, celui qui accepte de donner son pardon ne décide pas de passer l’éponge et de faire comme si rien ne s’était passé. Mais l’un et l’autre acceptent que l’agresseur, par un vrai retour sur lui-même, a mesuré l’étendue de sa faute et fait preuve de sincérité en la regrettant publiquement.

La victime accepte que son agresseur puisse passer à une autre étape de sa vie. Elle décide de croire à un avenir possible et d’admettre que personne ne peut se réduire à ses actes, aussi odieux soient-ils.

Elle accepte surtout de refuser la vengeance aveugle, ce sentiment qui ne se satisfait pas de la justice rendue mais veut toujours aller au-delà, dans une spirale de violence sans fin.
Demander pardon, accepter le pardon est toujours douloureux. Le chemin pour y parvenir est long, parfois très long. Il ne s’agit souvent que d’un horizon vers lequel on aspire, sans toujours y parvenir.

Et pour les chrétiens, au-delà du domaine juridique et psychologique, on peut entrer aussi dans le domaine de la foi chrétienne. L’Église reconnaît que, malgré l’horreur des crimes commis, une certaine restauration de l’homme est toujours possible.
Son espérance dans la grandeur et la dignité de l’homme ne faiblit jamais. Sa conviction est que tout homme peut toujours être sauvé, à cause de Jésus Christ et du mystère de la Croix. C’est pourquoi l’Église propose le sacrement du pardon. L’homme pécheur, aussi gravement pécheur soit-il, Dieu l’écoute et le pardonne quand il crie vers Lui. “Ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu”, dit l’Évangile.

Enfin, il appartient aux chrétiens de témoigner que l’existence terrestre de chacun n’est pas la fin de la destinée humaine. Et que la miséricorde de Dieu est infinie. Le Christ a ouvert à tous les hommes une voie nouvelle par sa résurrection.
Il reste que l’on ne pardonne pas sur commande. Le pardon se donne et se reçoit. Il s’offre et s’accepte. Ce geste n’apaise pas la souffrance, ne guérit pas miraculeusement les blessures. Mais grâce au pardon, des chemins de liberté et d’humanité sont à nouveau possibles.

Pour aller plus loin

Une brochure à avoir : « Points d’attention pour les éducateurs et animateurs de jeunes »

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